La Grande-Bretagne a dépensé 9,3 milliards de livres sterling pour accueillir les Jeux olympiques de cette année. Le Premier ministre britannique David Cameron estime que les Jeux olympiques légueront un héritage durable à la ville de Londres. Mais ce n’est pas l’avis de tous, de la Grèce en particulier, qui impute la crise actuelle liée à sa dette énorme aux Jeux olympiques organisés en 2004 à Athènes.
Les Jeux olympiques sont-ils alors un legs durable ou une extravagance coûteuse?
Un legs:
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Grâce aux Jeux olympiques en Grande-Bretagne, le sport sera revitalisé au niveau local pour les générations à venir. C’est le legs des sports à l’école, où la moitié des établissements du pays participe à des Jeux olympiques scolaires. Et celui qui est le moins tangible de tous, est l’inspiration qui sera suscitée chez ceux qui regardent de grands athlètes britanniques, qu’ils soient dans une course d’aviron, sur un vélo ou sur une piste d’athlétisme. C’est un fait bien connu qu’il y a un effet de transformation. Le gouvernement peut avoir autant de débats qu’il veut sur le sport dans les écoles, c’est de voir quelqu’un comme Chris Hoy qui incite les gens dans la rue à dire: “je veux acheter un vélo, je veux faire du vélo”. C’est un élément intangible, mais qui est très, très puissant et je pense qu’il peut unir le pays.
David Cameron, Premier ministre britannique -
Le legs des Jeux olympiques de 2012 nous a presque autant préoccupé que l’évènement même. Et c’est normal. Quand on investit autant dans un festival de deux semaines et demie de sport, on attend d’en tirer des bénéfices à plus long terme. Ceci dit, legs est un mot problématique parce qu’il comporte tant d’éléments. En premier lieu, il y a le legs physique, c’est-à-dire les lieux d’accueil qui restent comme le vélodrome, le centre aquatique et le stade olympique même. Ensuite, il y a le legs culturel, l’impression de la Grande-Bretagne que les visiteurs emporteront avec eux. Mais, à mon avis, l’élément qui est le plus important est le legs humain. Le sport britannique bénéficiera d’un essor puissant incalculable du fait que les Jeux olympiques seront à l’esprit de tous.
Steve Redgrave, cinq fois médaillé d’or aux Jeux Olympiques -
Hormis les avantages sociaux énormes liés à l’organisation des Jeux olympiques, de gros investissements ont déjà été réalisés dans un quartier de Londres qui a grand besoin d’être rénové. L’Est londonien se caractérise par des niveaux de pauvreté infantile en hausse, sans opportunité ni espoir. Ce n’est pas un ‘cirque’. L’effet sur la région et l’économie britannique sera durable.
Charlie Edwards, rédacteur fondateur du magazine Political Promise -
De bien des façons, les Jeux olympiques de Beijing ont été les plus extravagants de tous les temps. De nouveaux stades époustouflants ont été érigés et sont devenus des sites touristiques en soi. D’importantes parties du nord de Beijing (une ville où les terrains sont rares et coûteux) ont été réservées aux installations d’athlétisme, de loisirs et de logements pour les Jeux olympiques. L’ensemble a largement dépassé le budget, avant même de calculer le coût des magnifiques cérémonies d’ouverture. Mais la ville y a gagné un investissement énorme dans son infrastructure de base et ses espaces publics. De nouvelles lignes de metro ont commencé à traverser une ville de part et d’autre alors qu’elle était paralysée par la circulation automobile. De nouvelles autoroutes ont été ajoutées, le centre-ville encerclé de périphériques sur périphériques. Un nouveau terminal d’aéroport étonnant, plus grand qu’Heathrow tout entier, et peut-être le plus beau de la planète, a ouvert ses portes pour coïncider avec les Jeux olympiques, et de nouveaux parcs ont été construits à travers cette ville autrement grise.
William Kirby, professeur d’études chinoises, Université Harvard -
Les Jeux d’été de 1996 ont eu un effet incroyablement positif sur le paysage urbain d’Atlanta. Sans la mesure incitative que représente l’organisation des Jeux olympiques, qui sait si un excellent espace public comme le Centennial Olympic Park aurait vu le jour dans notre centre-ville. Ce parc est la pièce maîtresse des efforts de revitalisation du centre-ville d’Atlanta, car plusieurs immeubles, musées et lieux d’attraction importants ont été bâtis sur sa périphérie. Il sert toujours comme espace d’accueil d’évènements étonnants. Oui, les Jeux olympiques ont été coûteux, mais ils peuvent aider à créer un environnement urbain plus durable pour la ville d’accueil.
Dahshi Marshall, urbaniste, Atlanta Regional Commission
Extravagance:
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Personne ne sait ce que les Jeux olympiques ont coûté à la Grèce, mais beaucoup pensent que la dette qu’ils ont engendrée a joué un rôle majeur qui a entraîné la crise économique que traverse désormais le pays. Étant un des plus petits pays à accueillir cet évènement, les Grecs parlent encore de 2004 comme d’un moment déterminant où le pays résonnait d’optimisme, de confiance et de fierté. Mais le parc olympique d’Athènes n’est pas le témoin de gloires passées. Au lieu de cela, c’est le signe d’une extravagance mal placée, de la désolation et du désespoir.
Helena Smith, The Sydney Morning Herald -
Les Jeux olympiques se résumaient à la consommation, pour capitaliser sur le phénomène et créer des spots publicitaires pour vendre des produits. Pour nous, cela a été une catastrophe.
Manolis Trickas, conseiller d’Hellenikon, une banlieue d’Athènes -
Il n’y a aucun doute qu’accueillir le festival des Jeux olympiques une dose importante de fierté civique. Quand un pays d’accueil passe à la télévision, devant deux tiers de la population mondiale, les évènements deviennent un phénomène amplifié de relations publiques et publicitaires. Mais la fierté civique que suscite une telle entreprise n’est que passagère et les monuments construits pour le spectacle, sous la forme de stades et de salles de sports, se limitent rapidement à des spectres de jours glorieux passés. De fait, ce qui est retenu historiquement des bénéfices à long terme d’installations sportives olympiques est grevé d’une façon indélébile de coûts de maintenance et de fonctionnement qui dépassent largement les revenus perçus des contributions des utilisateurs.
Robert K Barney, International Centre for Olympic Studies à l’université de Western Ontario au Canada -
L’expérience des Jeux olympiques passés est loin de suggérer qu’être la ville d’accueil est synonyme d’un gain économique catégorique. Suite aux Jeux olympiques de Montréal en 1976, la ville s’est retrouvée avec une dette de 2,7 milliards de dollars qu’elle a fini de rembourser en 2005. Une ville en quête d’essor économique serait sage de ne pas accueillir les Jeux olympiques.
Andrew Zimbalist, économiste, Smith College, Massachusetts -
De façon générale, les économistes trouvent que les organisateurs locaux et les promoteurs sportifs exagèrent régulièrement les avantages des Jeux en sous-estimant les coûts d’évènements majeurs comme les Jeux olympiques. Si une ville s’appuie sur une attente de gains financiers pour justifier l’accueil des Jeux olympiques, l’expérience passée suggère qu’elle peut escompter un réveil difficile.
Victor Matheson, économiste, College of Holy Cross à Worcester, Massachusetts