Mais l’origine de cette énergie varie d’un pays à l’autre. Dans cet article, Brian Gilvary explique pourquoi INEOS Energy privilégie les investissements aux États-Unis et sur d’autres marchés stables, plutôt qu’au Royaume-Uni et en Europe où le coût de l’énergie est élevé et le climat politique incertain.
L’énergie est le cœur de métier d’INEOS. Nous ne pouvons survivre sans ; pas plus que le reste du monde. Nous en avons besoin pour alimenter nos usines du monde entier, et c’est une matière première pour fabriquer les produits dont dépendent les sociétés modernes. Il est donc vital d’investir dans des pays qui en comprennent la nécessité, comme les États-Unis.
INEOS Energy vient d’annoncer l’acquisition des activités de CNOOC Energy Holdings U.S.A. Inc. dans le Golfe du Mexique. Cette transaction fait suite à la décision de racheter, l’an dernier, une part importante des actifs pétroliers et gaziers de Chesapeake Energy à Eagle Ford (Texas), et à un accord d’achat de 1,4 million de tonnes de GNL par an auprès de Sempra Infrastructure à Port Arthur (Texas), signé en décembre 2022.
« Nous en sommes à trois accords en trois ans, et aucun n’aurait été viable économiquement au Royaume-Uni » affirme Brian Gilvary, président d’INEOS Energy. Aux États-Unis, les dépenses de capital dans les actifs énergétiques dépassent les 3 milliards de dollars, ce qui fait de ce pays un excellent tremplin pour notre croissance future.
« Les États-Unis sont un marché attractif pour les investissements dans l’énergie, et ça ne date pas d’hier, poursuit Gilvary. Cela s’explique par la stabilité de son régime fiscal entretenue par les gouvernements successifs, conscients de l’importance d’une sécurité énergétique abordable sur la durée. »
En 2011, pour la première fois depuis les années 1950, les États-Unis ont cessé d’être un importateur net d’énergie, grâce à cette stabilité et à leurs investissements importants dans l’huile et le gaz de schiste.
Actuellement, les États-Unis bénéficient de prix de l’énergie parmi les plus bas au monde, ce qui permet à leur industrie de rester compétitive à l’échelle mondiale.
« C’est l’endroit parfait pour lancer la transition énergétique, car le gaz sera le combustible de cette transition en remplaçant le charbon, ajoute Gilvary. D’autant que sa santé économique est propice aux investissements dans le captage du carbone et les EnR, grâce à la loi Inflation Reduction Act. »
Les pays asiatiques en plein essor ont eux aussi compris l’importance, pour leur économie, de l’énergie et de la sécurité énergétique.
Certes, la Chine développe rapidement des sources d’énergie renouvelable et « propre », mais elle continue d’investir fortement dans de nouvelles usines à charbon pour assurer son approvisionnement, et totalise plus de 1 150 usines opérationnelles.
D’après l’Agence internationale de l’énergie, la Chine, l’Inde et l’Indonésie représentent dorénavant 70 % de la production mondiale de charbon, qui a atteint un record de 8,9 milliards de tonnes l’an dernier.
Le charbon représente actuellement 53 % de la production énergétique chinoise.
« Il n’échappera pas aux décideurs du monde entier qui s’efforcent d’amener leur économie vers la neutralité carbone en mettant l’accent sur les énergies renouvelables, qu’il est ironique d’utiliser du charbon pour alimenter le marché des véhicules électriques en plein boom » insiste Gilvary. Mais d’après lui, ce message a du mal à passer :
« Les économies asiatiques en plein essor misent sur l’énergie à bas coût pour créer des emplois et de la croissance. De leur côté, les Européens se focalisent sur la "neutralité carbone", à tout prix semble-t-il. »
Il souligne que les investissements dans de nouvelles capacités énergétiques ne sont pas viables sans subventions, au risque de générer de l’inflation et de faire exploser la dette. Selon lui, il y a une limite au rythme qui peut être atteint.
« L’Allemagne est un cas emblématique : sa politique énergétique est bancale car elle repose sur un programme vert élaboré sur plusieurs décennies sans comprendre l’importance de la sécurité de l’approvisionnement et de l’énergie de base » explique-t-il.
L’Allemagne a fermé la plupart de ses centrales nucléaires suite à l’accident de Fukushima (Japon), en 2011, préférant dépendre des importations de charbon pour compléter le gaz russe. Mais, ajoute Gilvary, « la guerre en Ukraine a contraint l’Allemagne à accroître sa production de charbon, ce qui a fortement alourdi ses émissions de CO2 ».
Un rapport récent du Baker Institute a épinglé la « politique énergétique malavisée » de l’Allemagne.
On peut y lire que, l’énergie étant cruciale pour la prospérité d’un pays, les implications de la politique énergétique malavisée de l’Allemagne sont tentaculaires.
« L’Allemagne est devenue l’un des plus mauvais élèves parmi les grosses économies développées » assène Gilvary. Actuellement, les prix de l’électricité en Europe et au Royaume-Uni sont parmi les plus élevés au monde.
Cependant, Gilvary estime que la situation pourrait s’améliorer au Royaume-Uni si le nouvel organisme public Great British Energy suit l’exemple américain et chinois, en mettant à profit toutes les énergies à sa portée.
« Pour qu’une stratégie énergétique équilibrée fonctionne, elle doit accompagner la transition énergétique en aidant l’industrie à rester compétitive, en évitant une hausse du coût de l’énergie et en garantissant des rentrées stables dans les caisses publiques » affirme-t-il.
La plupart des organismes sectoriels jugent que le pétrole et le gaz resteront nécessaires pendant plusieurs décennies ; pourtant, les investissements britanniques dans le pétrole et le gaz de la mer du Nord sont en baisse.
« L’industrie a fortement pâti de l’instabilité du régime fiscal au fil des décennies. Les gouvernements successifs n’ont cessé demodifier la fiscalité des revenus des produits du pétrole.
La dernière hausse à 78 %, motivée par les cours élevés du pétrole, a eu un effet de repoussoir sur les investisseurs » poursuit Gilvary. Cette hausse « exceptionnelle » à 78 % s’explique par les cours élevés dans la foulée du Covid (jusqu’à 120 $ le baril) et par les énormes profits des grandes majors internationales.
Depuis, les prix ont baissé de près de moitié, mais la contribution exceptionnelle demeure, si bien que la mer du Nord a été délaissée par les investisseurs, au bénéfice d’autres régions.
« Le gouvernement précédent s’est montré hâtif avec cette taxe, encouragé par une frénésie médiatique, sans prévoir de filet de sécurité ou de palier pour une baisse des taxes en cas de prix bas, comme aujourd’hui » explique Gilvary.
Dans le régime actuel, c’est comme si le gouvernement possédait 78 % des actifs pétroliers et gaziers offshore du Royaume-uni.
« Le ministère des Finances va vite constater la dégradation de la valeur de ces actifs, car les entreprises à qui il ne reste que 22 % rechigneront à faire de gros investissements pour maintenir leur production et leur valeur. »
« Au final, un régime fiscal trop strict finit par tarir le robinet fiscal sur le moyen à long terme.
C’est un choix fait par le gouvernement à un instant T, mais les entreprises réagissent aux signaux qu’il envoie » affirme Gilvary. En revanche, INEOS Energy se réjouit que le gouvernement britannique ait promis 22 milliards de livres pour des projets de captage et de stockage des émissions de CO2 liées à l’énergie, l’industrie et la production d’hydrogène pour contribuer à ses objectifs climatiques.
« L’Agence internationale de l’énergie a bien précisé qu’il fallait supprimer les émissions des énergies fossiles, pas les énergies elles-mêmes, ajoute Gilvary. Or, grâce à ces investissements, nous utiliserons des énergies fossiles pour créer de l’énergie et gérer durablement les émissions de CO2 qui les accompagnent. »
Il espère toutefois que Great British Energy, dans sa volonté d’atteindre la neutralité carbone, n’en comprend pas moinsl’importance d’une énergie fiable pour répondre à la demande de base.
« L’éolien et le photovoltaïque ne pourront servir d’énergies de baseload tant que nous n’aurons pas résolu le problème du stockage de l’électricité. Quant à l’hydrogène vert, il ne sera pas viable économiquement avant plusieurs décennies. Sans une énergie de baseload fiable, les coupures de courant et les tensions sur le réseau sont inévitables. »
Dans tous les cas, INEOS Energy continuera d’importer du GNL américain au Royaume-Uni. « Toutes les taxes liées à la production de GNL seront versées aux États-Unis, souligne Gilvary. Et le ministère britannique des Finances va s’apercevoir qu’il aurait pu récolter ces taxes si ces molécules de gaz avaient été produites au Royaume-Uni. »