DES enfants issus de foyers parmi les plus défavorisés du Royaume-Uni se voient offrir l’opportunité d’apprendre, de s’épanouir et d’acquérir des compétences qui leur auraient été inaccessibles. Ils participent à des sorties, assistent à des spectacles, apprennent le ballet, le basket ou le tennis, le piano ou le violon. Et les résultats sont époustouflants. Les proviseurs des 100 établissements participant à Forgotten 40, un projet novateur porté par INEOS, affirment que leurs élèves ont gagné en estime de soi, en résilience et en confiance, et sont plus enclins à apprendre.
« Une sortie bowling n’a rien d’extravagant pour un enfant d’un foyer plus aisé, mais pour nos élèves, cela vaut tout l’or du monde » affirme Andrew Williams, proviseur de l’école primaire de Penrhys dans la vallée de Rhondda, au Pays de Galles.
Le projet Forgotten 40 en est à sa quatrième année, sur un total prévu de sept ans. Une initiative lancée par INEOS, dont le président Sir Jim Ratcliffe a grandi dans un logement social à Failsworth, dans la banlieue de Manchester.
En 2020, il a sollicité l’aide d’une équipe d’experts chevronnés après lecture de rapports troublants sur l’augmentation de la pauvreté chez les enfants britanniques Ces trois dernières années, les 100 établissements sélectionnés par INEOS ont chacun reçu plus de 60 000 £, dont l’utilisation est laissée à la sage appréciation des proviseurs, dans l’objectif d’améliorer le quotidien de leurs élèves par le biais de projets scolaires.
Ces fonds ont ainsi permis d’investir dans des séances de thérapie particulière pour les élèves en difficulté, des petits-déjeuners pour tous, des cours de boxe pour évacuer le stress lié aux examens, ou encore des boutiques vendant des aliments et des articles domestiques à prix réduit. Ils ont aussi servi à financer des lits et des parures de lit pour des enfants qui n’en avaient pas.
Comme l’explique Andrew, « si un enfant est fatigué parce qu’il a mal dormi ou n’a pas mangé, comment pourrait-il bien apprendre à l’école ? ». Les enseignants ont également pris conscience de l’intérêt d’impliquer les parents, en proposant des cours de cuisine en fin de journée, pour les aider à comprendre l’importance d’un régime sain et équilibré.
L’école primaire de Bridge Hill, à Stockport, est l’un des établissements accompagnés par Forgotten 40.
C’est là qu’a été scolarisée Angela Rayner, la VicePremière ministre du Royaume-Uni. Il n’était pas rare qu’elle aille à l’école le ventre vide.
Bien que l’initiative soit financée par INEOS, elle est pilotée par une équipe de spécialistes bien au fait des difficultés auxquelles les proviseurs d’écoles primaires sont aujourd’hui confrontés.
De leur expérience, Elaine et John Wyllie, Brian Padgett, Sheila Loughlin et Elaine Crotty savent que le quotidien d’un enfant peut entraver ses résultats scolaires.
« La pauvreté infantile n’est pas un phénomène nouveau, explique Padgett, ex-proviseur et inspecteur de l’Ofsted [le service britannique d’inspection des écoles]. Cela a été et c’est encore une priorité des gouvernements qui se succèdent depuis 70 ans. »
Il souligne néanmoins que les tentatives de s’attaquer au problème se sont concentrées sur ce qui se passe à l’école.
« Personne ne s’en est pris aux causes profondes, à savoir ce qui se passe en dehors de l’école, affirme-t-il. Le quotidien des enfants à la maison a une influence sur tout le reste. Par exemple, si un parent est malade, a des soucis d’argent ou du mal à nourrir sa famille, son enfant sera lui aussi inquiet et ne sera pas dans de bonnes dispositions pour apprendre. »
La démarche de l’équipe de Forgotten 40 est inédite. « En aidant les familles à vivre mieux au quotidien, nous aidons les enfants » explique Elaine Wyllie, qui a créé le Daily Mile lorsqu’elle était proviseure d’une école primaire de Stirling, en Écosse. Aujourd’hui, cette initiative simple soutenue par INEOS aide cinq millions d’enfants issus de 96 pays à garder la forme en courant régulièrement. Wyllie estime que la lutte contre les inégalités pourrait aider à combler les écarts de réussite à l’école. Pour elle, « s’attaquer uniquement aux écarts de réussite, c’est un peu comme allumer un feu sous un radiateur au lieu d’allumer la chaudière ».
L’ex-député conservateur Seb Coe a déclaré que la logique de Forgotten 40 tombait sous le sens, car les proviseurs ont un lien fort avec leur communauté. D’après lui, « ils sont particulièrement bien placés pour identifier les obstacles à l’apprentissage, et œuvrer à les surmonter ».
Le but du projet Forgotten 40 n’est pas d’envoyer des enfants à l’autre bout du monde pour effectuer des expéditions grandioses. L’objectif est de leur ouvrir les yeux sur le monde qui les entoure, et de leur montrer ce qui est à deux pas de chez eux.
« Cela peut être une visite au musée du coin ou dans une galerie d’art où ils ne sont jamais allés, explique Padgett. En les y emmenant, nous leur montrons que ces endroits ne s’adressent pas qu’aux enfants fortunés. » Au Royaume-Uni, les écoles les plus défavorisées se trouvent souvent dans d’anciennes régions industrielles au riche patrimoine.
« Si ces enfants en prennent conscience, nous pourrons les aider à être fiers de leur communauté » poursuit-il.
Chaque année, les proviseurs participant au projet se réunissent à Londres pour discuter de ce qui a fonctionné, ou non.
« On ne s’attend pas à ce que toutes les initiatives portent leurs fruits, précise Elaine Crotty. Ce que nous voulons, c’est encourager les enseignants à prendre des risques, à tenter des choses. »